Syndicalisation à l'horizon; que faire?
Ce n’est pas d’hier : quand un employeur entend le mot « syndicat » de la bouche d’un de ses salariés, des sueurs froides lui viennent. Il est tout à fait normal pour un dirigeant d’entreprise d’être craintif vis-à-vis de l’implantation d’un syndicat dans son entreprise. Mais peut-il vraiment s’y opposer?
Interdiction d'ingérence
On le sait, au Québec, de nombreuses mesures existent pour protéger le droit à la syndicalisation. D’ailleurs, depuis un arrêt rendu par la Cour suprême en 2007, on considère aujourd’hui que le droit à la négociation collective fait partie intégrante de la liberté d’association prévue au paragraphe 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés1.
Le Code du travail est très clair : aucun employeur ne peut chercher à dominer, entraver ou tout autrement s’ingérer dans une association de salariés (nommément un syndicat). Cela comprend des menaces, de l’intimidation ou des sanctions disciplinaires injustifiées.
Cela va même plus loin : lorsqu’un salarié a exercé des activités permises par le Code du travail et qu’il a par la suite fait l’objet de représailles, il incombera à l’employeur de démontrer que la sanction avait une cause juste et suffisante. Si on se fie au principe selon lequel il appartient à celui qui prétend avoir un droit d’en faire la preuve, cet article constitue donc une exception à la règle générale. Le but est de punir l’employeur qui veut priver ses employés de leurs droits relatifs à leur travail.
Par exemple, le jugement Fleurent c. Wal-Mart2 traite du cas flagrant où un patron fait venir des employés dans son bureau et leur fait des réprimandes parce qu’ils se mobilisent pour instaurer un syndicat dans la compagnie. Ici, il relève de l’évidence que l’employeur est dans son tort. Certains cas, toutefois, sont plus subtils.
Ce n’est pas tout! Certaines sanctions de l’employeur sont même interdites par le Code criminel. En effet, on dit que constitue une infraction le fait d’user d’intimidation ou de menaces de faire perdre son emploi à un salarié parce qu’il exerce des activités syndicales ou veut en exercer.
Quels droits, dans ce cas, la loi prévoit-elle pour l’employeur?
Limites pour les salariés
Il faut bien comprendre que ce droit n’est pas absolu. Le Code du travail, bien que très permissif, impose aussi des limites aux salariés relativement à l’exercice de leur liberté d’association.
En effet, le Code empêche quiconque, incluant les salariés, de solliciter l’adhésion à un syndicat pendant les heures de travail. De plus, il est aussi interdit pour une association de salariés de tenir une réunion sur les lieux de travail sauf s’il s’agit d’un syndicat déjà accrédité. Donc, toute action entreprise dans le but de constituer un syndicat doit se faire hors du cadre direct du travail.
Propos antisyndicaux
Mais surtout, la question cruciale est la suivante : l’employeur peut-il, malgré toutes ces restrictions, tenir des propos antisyndicaux? Cela apparaît impossible!
C’est pourtant bien faisable, à condition de respecter certains critères bien stricts. La décision du Tribunal du Travail (aujourd’hui la Commission des relations du travail) Disque Améric3 a établi la marche à suivre. Selon ce jugement, l’employeur peut avoir de tels propos seulement si :
- Il ne fait aucune menace directe ou indirecte.
- Il ne fait aucune promesse visant à ce que son point de vue soit adopté (comme une augmentation de salaire conditionnelle à l’abandon de l’idée du syndicat).
- Ses propos sont défendables quant à leur réalité, et n’ont pas pour but de tromper.
- Il s’adresse à la réflexion des personnes, et non à leurs émotions (comme dire aux employés qu’il se sent trahi).
- Les interlocuteurs sont libres d’écouter ou non ce qu’il a à dire.
- Il n’utilise pas son autorité d’employeur pour propager son opinion.
Dans ce cas, l’employeur était même allé jusqu’à envoyer une lettre, laquelle était empreinte de bonne foi puisqu’il disait simplement vouloir chercher la négociation, et qu’il espérait toujours pouvoir favoriser le règlement des conflits. Toutefois, il a par après tenu une réunion avec des propos semblables – inoffensifs à proprement parler – mais il s’agissait d’une « audience captive »; c’est-à-dire que les employés étaient obligés d’être présents. Il a donc contrevenu au Code du travail.
Prudence!
Dans ces circonstances, la prudence est donc évidemment de mise. Une simple phrase de trop de l’employeur peut tout changer et le faire déroger à la loi. Il s’agit donc de montrer ouverture et respect dans toute négociation. En cas de doute, il est préférable de demander à un avocat. Appelez-nous au 450-696-1086 pour plus d’informations, ou visitez le www.dupuispaquin.com. |