Le véritable employeur
De nos jours, de nombreux employeurs ont recours aux services d’agences de placement. En effet, cette pratique présente des avantages économiques et permet de n’engager de la main d’œuvre que lorsque les besoins de l’entreprise le requièrent.
Toutefois, se pose alors la question de savoir qui est le véritable employeur. Sur papier, c’est évidemment l’agence de placement (« l’agence »), qui assigne le poste et rémunère l’employé qui se trouve remplir ce rôle. Mais en pratique, les choses se passent autrement. En effet, la personne qui fait appel aux services de l’agence (« le tiers ») contrôlera, de son côté, les conditions et les prestations de travail.
Cette situation floue peut facilement engendrer des problèmes : l’employé peut-il revendiquer de se syndiquer si les salariés du tiers le sont, ou relève-t-il uniquement de l’agence et n’y a donc pas droit?
Une réponse : Pointe-Claire
La solution à ce problème se trouve dans l’arrêt Pointe-Claire1 de la Cour Suprême du Canada, qui a établi les critères à suivre dans une telle situation, qu’on appelle « relation tripartite ». Dans cette affaire, une employée temporaire avait été engagée par la ville de Pointe-Claire, par le biais d’une agence de placement. En effet, dans la recherche du véritable employeur, les facteurs suivants peuvent notamment être examinés : le processus de sélection, l'embauche, la formation, la discipline, l'évaluation, la supervision, l'assignation des tâches, la rémunération et l'intégration dans l'entreprise. Dans ce cas, même si l’agence assignait les postes, recrutait, évaluait et rémunérait ses employés temporaires, la ville se trouvait quand même être le véritable employeur puisque c’est elle qui contrôlait les conditions et les prestations de travail de l’employée.
À la lumière de cette décision, il est manifeste que le contrôle sur les conditions et les prestations de travail a un poids prépondérant, même si ce n’est pas le seul critère à évaluer. Les critères de la « subordination juridique », c’est-à-dire du contrôle théorique de la prestation de travail, et de l’intégration effective à l’entreprise ne sont donc pas cruciaux.
Quant au critère du salaire, il a été jugé non pertinent. Ici, c’était l’agence qui était en charge de la rémunération de l’employée, mais le salaire dépendait du nombre d’heures travaillées à la ville. D’ailleurs, le Code du travail définit à son article 1 le salarié comme étant « une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération »2. Nulle part n’est-il fait mention de la provenance de cette rémunération3!
De nos jours
L’arrêt Pointe-Claire a jeté les bases de la relation tripartite. Les décisions subséquentes se sont fondées systématiquement sur cette approche. À titre d’exemple, à l’occasion d’une affaire plus récente, c’est plutôt l’agence de placement qui s’est trouvée être le véritable employeur, mais sur la base des critères développés dans Pointe-Claire4. L’évaluation doit donc se faire minutieusement et au cas par cas.
Dans le même ordre d’idées, dans l’affaire Terrebonne5, la Commission des relations du travail conclut que le tiers est le véritable employeur sur la base des faits suivants : l’employé adapte son horaire de travail en fonction des besoins du tiers, son travail quotidien est dirigé par le tiers, l’agence demande l’approbation du tiers pour accorder des vacances à l’employé, l’employé participe aux réceptions du temps des fêtes du tiers, et son contrat devient à durée indéterminée à cause des nombreux projets du tiers.
Conclusion
En résumé, la détermination de l’employeur n’est pas toujours simple et commande, en fait, un examen plus poussé. Il est donc primordial de ne pas se fier systématiquement à la première impression! |